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EN CANOT DE PAPIER.

perçant le brouillard, la coque du navire n’était pas visible, et quand j’essayai de le reconnaître de plus près, les bas mâts disparurent, puis les mâts de hune ; et enfin les perroquets et les cacatois s’évanouirent à leur tour, Pendant une demi-heure, je ramai et ramai à la recherche du fantastique navire qui se montrait et se dérobait à ma vue. Jamais pareil objet ne me hanta et ne me préoccupa à ce point ; il semblait changer sa position sur l’eau comme dans l’atmosphère, et j’étais trop occupé du désir de l’atteindre pour m’apercevoir, au milieu de l’obscurité, que le courant, que je ne distinguais plus, me faisait descendre la rivière plus vite encore que je ne croyais la remonter.

Songeant cependant à me dérober à la violence du courant, je suivis la rive du marais jusqu’à ce que le canot se trouvât en présence d’un vrai navire à l’ancre, Alors, redoublant d’efforts, je lui passai à poupe en le hélant : « Hohé ! du navire, hohé ! » Personne ne répondit à mon appel. Le navire avait l’apparence d’un bâtiment de guerre, mais non pas de construction américaine. Pas de lumière à aucun des sabords ; personne dont on entendît le bruit des pas sur le pont. Il était comme abandonné dans le chenal, au milieu de grands marais déserts. Le courant murmurait à son arrière, tandis que la marée se rendant à la mer baignait sa carène noire. L’apparition devenait plus mystérieuse qu’elle ne l’avait été lorsque je l’avais d’abord aperçue, comme un mirage, sortant de la brume. Cependant, tout était réel et non pas fantastique. Une autre interpellation, plus forte que la première, pénétra dans l’air de la nuit