Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/310

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chapitre treizième.

de mes bonnes intentions, en vous montrant ce que contient mon canot, et alors vous verrez bien que je ne suis pas un ennemi des hommes de couleur. » Je lui parlai des cartes, des lettres et des couvertures qui étaient dans le petit canot si fermement échoué dans la vase, lui expliquant quel dommage ce serait pour moi si quelque maraudeur, passant à la prochaine marée haute, s’emparait de mon bateau. L’homme, qui jusque-là était resté dans une attitude menaçante, abaissa lentement son fusil, et me dit : « Dans le temps où nous vivons, il n’y a pas d’amis. J’ai eu un bateau volé par quelque blanc, et j’ai pu supposer que vous veniez aussi pour me dévaliser. On ne peut pas se lier aux gens de la rivière. Ils volent tout. Il y a des tas de « mauvais blancs », depuis la guerre, qui enlèvent au noir ses poulets, ses bateaux et tout ce qu’ils peuvent attraper. À la grande maison sur High-Point, des blancs ont volé des lits, des meubles et tout ce qui se trouvait à leur portée. Depuis la guerre, tous sont des coquins ! »

C’était à la fois fatigant et dangereux de faire avancer le canot par-dessus la vase molle et glissante, jusqu’à la terre ferme, et je courus le risque de m’engloutir dans les bas-fonds. Je me tirai cependant de la difficulté, et je me trouvai face à face avec ce noir, qui avait fini par se rassurer. Avant de me débarrasser de la boue qui couvrait mes vêtements jusqu’à la ceinture, je lui montrai mon étui à cartes, et je lui expliquai le but de mon voyage ; il avait l’air très-intelligent, et après m’avoir fait quelques questions, il dit à son fils : Reporte ce fusil à la maison » ; puis se tournant de