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EN CANOT DE PAPIER.

devons aussi ne pas oublier certains principes moraux et ethnologiques qui existent dans le type nègre pur, et qu’ignorent entièrement ces philanthropes malgré leur prétention de croire qu’ils comprennent le noir par son frère demi-blanc, le mulâtre.

La rivière Mud[1] ouvrait sa large embouchure devant moi ; lorsque j’eus franchi la passe, la marée était très-basse. Le Mud est un point d’arrêt sur la route des steamers à la Floride. L’obscurité devenait si profonde, que je dus me rapprocher de la côte pour chercher un lieu de débarquement. J’essayai d’abord d’aller près, d’un tertre où se trouvait la maison d’un noir ; mais la marée s’étant retirée dans le chenal très-étroit du Mud, le canot échoua dans la vase sans pouvoir en sortir. Je sautai par-dessus le bord et m’enfonçai dans la vase jusqu’aux genoux. J’appelai au secours, et comme réponse à mon appel, un noir de haute taille, armé d’un fusil à deux coups, commença par me coucher en joue du rivage. Je répétai mon appel, en disant que je voulais aller à terre : « Eh bien ! tirez-vous d’affaire comme vous pourrez, me répondit-il d’un ton bourru. Qu’est-ce que vous venez faire ici sur la plantation Choc’late ? Absolument rien. »

J’expliquai à ce vilain noir que j’étais un homme du Nord. « Je voyage, lui dis-je, pour connaître le pays ; mon intention est de camper près de votre maison, dans l’intérêt de ma sécurité ; si vous voulez bien m’aider à prendre terre, je vous convaincrai, je vous le promets,

  1. La rivière de la vase.