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EN CANOT DE PAPIER.

rieur, à Frédérique. Je m’embarquai le lendemain, tenant pour sûr de terminer ma croisière sur la baie de la Delaware avant la nuit, car le calme de la matinée ne faisait pas prévoir que le vent dût s’élever. Lewis, la petite ville des pilotes, près du cap Delaware, est un port de refuge pour les navires qui sont poursuivis par le mauvais temps. De là, je comptais faire un portage de six milles, jusqu’au ruisseau du Love, un affluent du Rehoboth-Sound. Les gelées blanches de la nuit exerçaient une salutaire influence sur les pays malsains où j’étais entré, en sorte que le canotier du nord, non acclimaté, pouvait dormir la nuit en sécurité dans le marais, sur le bord de l’eau, s’il était protégé contre la rosée par des couvertures de toile ou de caoutchouc. Mon espoir d’arriver à la pleine mer, le soir même, devait être noyé, et noyé dans de l’eau très-froide ; le jour, qui avait commencé d’une manière si calme et sous d’aussi favorables auspices, devait se terminer par une rude épreuve, car, avant le coucher du soleil, j’allais avoir à soutenir une périlleuse lutte pour défendre ma vie dans les eaux froides de la baie de la Delaware.

Une heure après avoir quitté Murder-Kill, le vent se mit à souffler du nord en violentes rafales. Mon petit bateau, qui recevait la brise par le travers, tint bon pendant quelques heures. Je restais autant que possible près de la grève sablonneuse des marais, afin de n’être pas éloigné de la terre, en cas d’accident. Le phare de l’embouchure du Mispillion était passé quand le vent et les vagues, prenant mon bateau par bâbord, le firent dériver du côté des marais. Les lames brisant sur la grève dure