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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/155

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EN CANOT DE PAPIER.

« Que demandez-vous à cette heure, étranger ? — Je veux débarquer mon petit bateau sur votre jetée ; comme il est fait de papier, il a besoin d’être traité avec ménagements. » Pendant un instant, les pêcheurs d’huîtres ne dirent mot, et ils s’éloignèrent en ayant l’air de réfléchir. J’entendais leurs grosses bottes qui résonnaient sur le quai du côté de la taverne. Un murmure sourd, suivi bientôt de cris bruyants, se fit entendre, et une avalanche d’hommes et de gamins se précipita sur le quai ; cette foule me criait : « Passez-nous l’avant et l’arrière, et nous allons le hisser. » Quelques marins me prirent par les épaules, d’autres me soulevèrent si bien qu’en un tour de main le capitaine et son canot étaient déposés sur la terre ferme.

Des gens arrivaient en foule pour tâter le canot en papier, et, après cet examen, la plupart furent convaincus que ce n’était pas une mystification. Quelques hommes emportèrent la Maria-Teresa sur leurs épaules, d’autres se chargèrent de sa petite cargaison, et en me laissant libre de les suivre à ma guise, ils se précipitèrent dans la direction de l’hôtel, en enfoncèrent les portes et déposèrent le canot sur une longue table, sous un abri à l’entrée de la cour, croyant qu’ils avaient bien gagné un pourboire. Telle fut la façon dont les habitants de Chincoteague me souhaitèrent la bienvenue. « Si vous ne voulez pas boire, étranger, passez votre chemin ; qu’est-ce qui soutient mieux l’union de l’âme et du corps que la boisson ? » dit un pêcheur grand et fort. Une dame m’avait donné, le matin, une provision de belles pommes, de sorte qu’au lieu de boisson, je les leur distri-