Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/156

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chapitre huitième.

buai. Tous m’adressèrent des questions et semblaient fort gais, sauf un individu au teint bilieux qui, au lieu d’être habillé comme les autres pêcheurs d’huîtres, portait sur lui, pour me servir de l’expression de ses camarades, toute une boutique de friperie.

Au lieu de se réunir aux autres personnes dans la salle commune, cet autre saint Thomas, dès que tout le monde fut occupé à jouer aux cartes, alla s’installer près du bateau et l’examina minutieusement. Il commença par gratter la coque au-dessous des plats-bords où la vase avait laissé une petite couche de dépôt qui était déjà sèche ; puis, la physionomie de cet individu s’animant, il me dit : « Voyez si le bateau ne semble pas avoir été construit pour être transporté sur le pont d’un navire et mis à l’eau dans le port d’une ville, afin que les badauds croient qu’il a fait toute la route à la rame. Tenez, voyez plutôt s’il n’y a pas sur la coque de la poussière, et de la poussière très-sèche ; elle n’est donc pas restée dix minutes dans l’eau ce matin ; j’en jurerais ! » Il ne me fallut qu’un moment de conversation avec cet incrédule de Chincoteague pour lui démontrer que ce qu’il appelait de la poussière n’était autre chose que de la vase desséchée. Ses prétentions attirèrent sur lui les railleries de ses voisins, et il dut s’esquiver, poursuivi par des huées unanimes.

Dans cette réunion de bateliers, je n’en trouvai qu’un seul, ce soir-là, qui fût allé jusqu’au cap Charles, en suivant les eaux intérieures, et c’était le plus jeune de la bande. J’ai couché par écrit les amusantes instructions qu’il voulut bien me donner. « Veillez au Cat-Creek, en