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EN CANOT DE PAPIER.

ture, et je l’offris à mon bon hôte, qui avait refusé tout payement pour son hospitalité. Il était très-fier de ce cadeau, et il me dit avec une sorte d’émotion : « Personne n’y touchera que moi. » Son excellente femme avait fait cuire une variété de belles et savoureuses pommes de terre, très-différentes de celles du New-Jersey et des autres États du Centre, lesquelles pommes de terre elle eut l’obligeance d’ajouter à mes provisions. Quand elles sont cuites, elles ne sont ni sèches ni farineuses, mais semblent être saturées de miel. Le cadeau de cette pauvre femme était maintenant à la place qu’occupait d’abord la couverture que j’avais donnée à son mari.

À partir de ce jour, et à mesure que j’avançais vers le Sud, je distribuai entre ces pauvres et bonnes gens tous les objets dont je pouvais me passer. M. Mac Gregor est allé dans son canot, le Rob-Roy, sur les fleuves de l’Europe, « répandant la bonne nouvelle et distribuant des écrits évangéliques ». Je n’avais pas de place pour loger des brochures, et si j’avais suivi l’exemple de mon bien intentionné prédécesseur en canotage, cela aurait peu servi la cause de la vérité et de la foi. Les crackers ne savent pas lire, et très-peu de noirs adultes connaissent leurs lettres. Ils ne demandaient pas de livres, mais du tabac. Les hommes et les femmes me hélaient des rives en me voyant filer dans mon canot : « Dites, capitaine, n’avez-vous pas de tabac à fumer ou à priser pour l’enfant ? » Pauvre humanité ! Le cracker et l’affranchi remplissent leur place ici-bas, en raison des lumières qu’ils possèdent. Nous