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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/265

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chapitre onzième.

c’est ainsi que vous pourrez voyager avec un cœur léger et l’égalité de l’humeur. »

Quand, le lendemain matin, je réglai mes comptes avec le vieux Seba, il me raconta que par la culture du riz il obtenait « à peu près tout ce dont il avait besoin, excepté du rhum ». Le rhum était du poison pour lui, et aussi longtemps qu’il en avait entretenu une petite provision, il reconnut qu’il avait été souvent malade ; ayant manqué d’argent pendant quelque temps, et de rhum par suite, il avoua que son état de santé était devenu excellent. Il était en effet un modèle de force et de développement musculaire. Tous les autres noirs avaient auprès de lui l’apparence de nains ; leurs cheveux étaient si courts, qu’on eût dit qu’ils étaient chauves.

Dès que le canot fut enlevé du magasin pour être mis à flot sur le canal, des créatures à moitié nues, à la peau d’ébène, arrivèrent de mon côté, comme un essaim. Aucune trace de sang blanc ne pouvait se découvrir en elles. Chacun essayait de mettre un doigt sur le bateau ; on le regardait comme un fétiche, et je crois que s’il avait été dressé sur l’une de ses extrémités, ces pauvres gens lui auraient rendu leurs dévotions à la manière de l’Afrique. Les plus âgés seuls parlaient assez bien l’anglais pour se faire comprendre. Les jeunes bavardaient un idiome africain et portaient des amulettes au cou ; ils étaient sur les limites de la barbarie, pour ne rien dire de plus. L’expérience que j’avais acquise parmi les noirs des autres contrées m’avait inspiré la croyance, malheureusement trop bien fondée, que dans plus d’un lieu du Sud le fétichisme africain