Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/294

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chapitre douzième.

Daw, j’entrai dans le Sound ; il me fallait donc passer au plus vite dans le ruisseau Skull, à l’île Hilton-Head, ou camper toute la nuit.

Pendant six milles, jusqu’au vaste Atlantique, je sentais les nuages de brume qu’il nous envoyait sur les ailes d’une fraîche brise qui augmentait de force au fur et à mesure que je me rapprochais du large Chechessee. Je voulais traverser trois milles de ces eaux difficiles ; j’aurais pu essayer de camper, mais la côte que j’allais quitter me menaçait de submersion à la prochaine marée. Dans la reconnaissance que je venais de faire à l’île Daw, je n’avais découvert aucun bouquet d’arbres hospitalier au milieu des grands joncs. Les circonstances tranchèrent la question ; je me lançai dans le Sound, et le canot n’avait encore franchi qu’un demi-mille lorsque la rivière Chechessee s’ouvrit à ma vue dans toute sa largeur, et qu’un joli bouquet d’arbres, avec deux ou trois baraques à leurs pieds, se montraient distinctement sur l’île Daw.

Il était trop tard pour retourner sur mes pas et remonter la rivière jusqu’au bouquet d’arbres, parce que les eaux du Sound étaient troublées par la brise du large, qui fraîchissait toujours et soufflait en sens contraire du jusant, dont la puissance croissait en raison du grand volume d’eau du Chechessee. Il me fallut dépenser toute mon énergie pour soustraire le canot à l’action des lames courtes et clapoteuses. Une ou deux fois, je crus que ma dernière heure était venue. La merci de la Providence me donna la force et le sang-froid qu’exigeait cette épreuve critique ; je ne sais pas par quel moyen je