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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/301

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EN CANOT DE PAPIER.

doué d’un peu de bon sens a nécessairement besoin de se reposer de temps à autre, soit au bivouac, soit dans les arbres ou même encore sous un toit, s’il est possible, lorsqu’il fait trop nuit pour reconnaître sûrement sa route. Quant à la navigation sur l’Océan, le canot n’y était entré qu’une seule fois, et c’était par erreur.

« Mais à quoi songiez-vous lorsque vous ramiez, ramiez et ramiez tout le jour dans ce petit navire ? me dit une dame d’un certain âge. — À vous dire la vérité, mesdames, lorsque je suis dans des eaux peu profondes avec la marée qui se retire toujours au moment le moins opportun, je suis pris de la peur de me perdre sur des bancs d’huîtres à coquilles coupantes, et je me souhaite alors à moi-même d’être dans des eaux profondes. Puis, lorsque ma route me conduit dans les eaux profondes des Sounds et que leur surface est mise à l’état de désordre échevelé par des vents violents, et quand les marsouins me rendent leurs petites visites, chassant le canot, battant l’eau de leur queue, se livrant à la folie de leurs jeux, je me sens pris du regret d’être loin des bas-fonds, et je désire surtout me retrouver encore dans les petits cours d’eau sans profondeur. — Nous autres femmes, nous avons prié pour votre salut et le succès de votre voyage », me dit une dame ayant un air doux et l’apparence d’une Allemande.

Dès que ces femmes se furent retirées, deux ouvriers irlandais, tout de noir habillés, coiffés de grands chapeaux qu’ils portaient avec un air de dignité, examinèrent le bateau ; ils n’avaient ni l’un ni l’autre cette allure de plaisanterie et d’entrain qu’on voit d’ordinaire sur