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EN CANOT DE PAPIER.

Non, vous n’avez pas de fierté. Voyez, voilà les blancs qui viennent de New-York pour entendre prêcher l’Évangile dans cette grange, avec un baril pour chaire et une bouteille vide pour candélabre ! Assez de discours comme cela ! Tout le monde à l’œuvre ! Les gens de l’usine nous apporteront des planches pour une nouvelle église, les autres donneront de l’argent. Que tous les hommes de couleur viennent mardi prochain, et que chacun apporte des planches ou quelque autre chose ; l’un un dollar, l’autre dix cents, s’il ne peut donner plus. Nous savons où trouver les blancs quand nous avons besoin de leur argent, mais les gens de couleur, eux, nous glissent dans la main lorsque nous passons le chapeau de la quête. »

Après cette exhortation du prédicateur, je dis à mon compagnon que j’avais l’intention d’offrir un dollar au ministre pour sa nouvelle église ; mais il me répondit sur un ton qui n’était pas approbatif : « Oh ! si vous voulez m’en croire, donnez-le à une autre personne, placée près de lui ; nous ne remettons jamais l’argent au prédicateur, car il gaspille toujours les fonds qu’il reçoit pour les besoins du culte : nous ne nous fions à lui que pour prêcher. »

Le lundi 1er mars, le temps fut beau d’abord, puis le vent s’éleva lorsque le canot atteignit la coupure des Three-Miles, qui réunit la rivière Darien avec l’Altamaha. Je pris l’étroit passage que suivent les bateaux à vapeur, mais le vent m’empêcha d’entrer dans le large Altamaha, et je dus retourner à la rivière Darien, la remonter jusqu’au Cut-du-Général, qui, avec le Butler, fournit un