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chapitre deuxième

détermina à courir l’aventure et à pousser plus loin. Nous passons alors dans des eaux difficiles, poursuivis par le sifflement de la tempête. Bodfish prend la barre du gouvernail, tandis que je m’assieds du côté du vent pour tenir le bateau en équilibre. Traverser des courants qui pouvaient si facilement faire chavirer le Mayeta était une rude épreuve pour un bateau de ce petit modèle. Mais le canot était digne de son constructeur ; il fuyait comme un oiseau effrayé sur l’écume des vagues, jusqu’à une île boisée, à moitié submergée, que domine un petit phare à l’abri duquel nous venons nous mettre en sûreté. Là, nous serrons la voile pour ne plus nous en servir en mauvais temps. Le vent tomba au coucher du soleil, et un calme délicieux nous favorisa pour ramer sur cette étroite rivière, jusqu’à destination, pendant huit milles encore.

Nous arrivons à Sorel, quelque peu avant neuf heures du soir ; des lumières brillantes nous éclairent quand nous passons devant ses quais. À ce moment, nous avions le cap dirigé au sud, sur le grand golfe du Mexique, but de notre ambition ; nous allions donc monter la rivière historique, le pittoresque Richelieu, d’où Champlain, deux cent vingt-six ans auparavant, avait pénétré jusqu’au beau lac qui porte son nom et sur lequel le missionnaire Jogues trouva l’esclavage et la torture.

Pour remonter le Richelieu, il nous fallut chercher notre route au milieu des bateaux, des remorqueurs et des trains de bois, jusqu’à une bordure de roseaux sortant d’un bas-fond sur la rive gauche de la rivière,