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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/48

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EN CANOT DE PAPIER.

Sorel, qui pouvait nous offrir un agréable lieu de campement pour le dimanche. Le lac Saint-Pierre est une nappe d’eau semée de bas-fonds, de vingt-quatre milles de longueur. C’est un mauvais passage à traverser par le vent d’hiver dans un petit bateau. Nous remettons à la voile et avançons gaiement ; mais bientôt l’orage nous menace et nous oblige à amener notre voile, et fuir à sec de toile devant le vent, jusqu’à une heure, où nous pouvons rehisser notre voile, mais en y prenant deux ris. Nous nous dirigeons alors vers les eaux clapoteuses du lac, où rafales sur rafales assaillent notre bateau. À trois heures, le vent tombe et nous permet, en larguant nos ris, de marcher librement. Un labyrinthe d’îles ferme le lac à son extrémité ouest ; nous y cherchons avec anxiété un passage pour rentrer dans le Saint-Laurent. À cinq heures, les vents hâlent le nord, et les grains augmentent d’intensité ; nous gouvernons alors vers une île plate et herbeuse qui nous sépare, croyons-nous, du grand fleuve. Le vent n’étant pas assez bien établi pour nous permettre de nous orienter, nous nous décidons à tirer le bateau sur la plage pour le soustraire à la fureur de la tempête. Mais en approchant de l’île marécageuse, nous devons marcher, à notre grand étonnement, à travers les roseaux qui la couvrent et naviguer ainsi sur un sol inondé jusqu’à l’autre bord, où nous trouvons la pleine eau. Bodfish insiste sérieusement sur la convenance qu’il y aurait à nous arrêter là pour la nuit, et il me dit : « Il fait trop mauvais temps pour continuer. » Mais la tentation que m’offrait la proximité de Sorel me