Page:Bizet - Lettres à un ami, 1909.djvu/68

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Si c’est la première fois que vous orchestrez, le résultat obtenu est presque incroyable. Le morceau n’est pas mauvais ; il est d’une bonne forme. Je n’y vois rien à changer. La fin est jolie ; la modulation en sol et le retour en mi (deux avant-dernières pages) sentent le bon style, la bonne manière. L’idée est seulement un peu terne. Lancez-vous, tâchez d’arriver au pathétique, évitez la sécheresse, ne faites pas trop fi de la sensualité, austère philosophe. Songez à Mozart et lisez-le sans cesse. Munissez-vous de Don Juan, des Noces, de la Flûte, de Così fan tutte. Lisez Weber aussi. Vive le soleil, l’amour… Ne riez pas et ne me maudissez pas. Il y a là une philosophie qu’on peut rendre très élevée. L’art a ses exigences. Du reste, livrez-vous à vous-même et ce sera bien. Merci du plaisir que vous m’avez fait en m’envoyant ces quelques pages. L’intelligence est chose rare en ce siècle de Béotiens, et ça fait plaisir de la rencontre à forte dose. À bientôt, cher ami, et croyez à toute ma sympathie, à toute mon affection.

Envoyez aussi souvent que vous voulez.