Page:Bjørnson - Chemin de fer et cimetière.djvu/10

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disposa leur repas et les fit mettre à table. Pendant tout ce temps, elle avait l’œil sur la route. Mais il ne venait pas. Elle déshabilla les enfants, les mit au lit, le plus jeune faisant la prière du soir, tandis qu’elle se tenait penchée au-dessus de lui. Elle-même priait avec tant de ferveur, en suivant les paroles qui sortaient lentement des lèvres de l’enfant, qu’elle n’entendit pas un pas qui s’approchait.

Knud était là, sur le seuil, regardant la petite troupe en prière. La mère releva la tête, les enfants crièrent : Père ! Lui s’assit et dit doucement :

— Oh ! fais-le prier encore une fois !

La mère se tourna vers le lit, afin qu’il ne pût pas voir sa pâle figure, car il lui aurait semblé indiscret à elle d’avoir l’air de connaître son chagrin avant qu’il en eût parlé lui-même. L’enfant joignit ses petites mains sur sa poitrine, tous en firent autant et il répéta pour la seconde fois :


         Moi qui suis un petit enfant, je demande
         Au ciel que mes péchés soient pardonnés.
         Bientôt je deviendrai plus grand, plus sage,
         Et père et mère connaîtront la joie,
         Pourvu que toi, Seigneur, le meilleur des maîtres,
         Tu veuilles m’aider à suivre ta Parole.
     Et maintenant à la garde miséricordieuse de notre Père céleste
     Nous confions nos âmes pendant que nous serons endormis.

Et, dès ce moment, quelle paix régna dans cette demeure ! Au bout d’un instant tous les enfants dormaient dans les bras de Dieu. La mère plaça sans bruit le souper devant son mari, incapable pourtant de rien manger. Mais, quand il se leva :

— Désormais, dit-il, je serai à la maison.

Et sa femme, à ses côtés, tremblait d’une joie qu’elle n’osait pas laisser voir, et remerciait Dieu pour tout ce qui était arrivé, car, quoi que ce fût, il en était résulté un grand bien.

Bjørnstjerne Bjørnson

(La suite prochainement.)


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