Page:Bjørnson - Chemin de fer et cimetière.djvu/12

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rité que son brin de paille faisait marcher toute la paroisse.

Il méritait ces honneurs. La route qui conduisait à l’église, c’est lui qui l’avait ouverte ; l’église neuve elle-même devant laquelle il stationnait, c’est lui qui l’avait bâtie ; tout cela, et bien d’autres choses encore, était dû à la caisse d’épargne qu’il avait fondée et qu’il gérait en personne. Ces ressources nouvelles avaient été fécondes, et la paroisse était citée en exemple à toutes les autres comme un modèle de bonne administration.

Knud Aakre s’était entièrement retiré de la lice, bien que, dans les premiers temps, il assistât quelquefois encore aux séances du conseil paroissial, parce qu’il s’était promis à lui-même de continuer à offrir ses services, bien que cette condescendance répugnât un peu à son orgueil. La première fois qu’il fit une motion, il fut si grandement mis dans l’embarras par Lars, qui insistait pour qu’il la présentât dans tous ses détails, que, se sentant un peu blessé, il finit par dire : « Quand Colomb découvrit l’Amérique, il ne la trouva pas divisée en paroisses et doyennés ; cela vint peu à peu. » Là-dessus, Lars, dans sa réplique, compara la découverte de l’Amérique à la proposition de Knud. Or, cette proposition se rapportait à des réparations d’étables, et, depuis lors, Knud ne fut plus connu dans le conseil que sous le nom de « la découverte de l’Amérique. » Aussi, voyant qu’il avait cessé d’être utile, il ne se crut plus obligé de mettre la main à la pâte, et refusa désormais d’être réélu.

Pourtant, il continua à être actif et, pour ne pas rester tout à fait inutile, il agrandit son école du dimanche, et, au moyen des petites contributions de ceux qui y assistaient, il la mit en communication avec la société des missions, dont il devint le centre et le chef dans son comté et les comtés voisins. Là-dessus, Lars Högstad fit la remarque que, si jamais Knud entreprenait de collecter de l’argent pour quelque entreprise, il fallait qu’il fût assuré d’avance qu’il s’agissait de faire du bien à quelques mille lieues de chez lui.

Il est bon de faire observer que, désormais, il n’y eut plus de querelles entre eux. Assurément, il ne fut plus question de s’associer pour rien l’un avec l’autre, mais, quand ils se rencontraient, ils se saluaient et causaient un moment. Knud sentit toujours quelque peine à la seule pensée de Lars ; mais il