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CONTES MYSTIQUES

arriva dans une grande ville. La pluie tombait à déluge.

Le marquis mit pied à terre, et vint s’abriter, avec son grand cheval noir, sous l’auvent d’une maisonnette.

C’était la maisonnette où ses deux filles dormaient, tandis que sa femme, la Belle Madeleine, filait le lin pour gagner leur pauvre vie. La lumière brillait à travers les fentes de la porte, et le marquis écoutait, tandis que la pluie tombait toujours à déluge.

Le lin disait à la Belle Madeleine :

— « Belle Madeleine, est-il un sort plus triste que le mien ? On me jette en terre. On m’arrache. On me décapite. On me noie. On me frappe à grands coups de maillet. On me met à rôtir au grand soleil. On me brise les os. On me passe au peigne de fer. On me file. On me met en toile. On me tord. On me bat. Belle Madeleine, est-il un sort plus triste que le mien ?

— Tais-toi, lin, répondait la Belle Madeleine. Mon sort est encore plus triste que le tien. Lin, il fut un temps où je vivais en marquise, dans un beau château, avec celui que j’aimais. C’était un homme beau comme le jour, honnête comme l’or, fort et hardi comme Samson. Par malheur, il m’avait épousée sans le consentement de sa mère. Le Bon Dieu nous a châtiés.