V. — Malgré ses farces, le curé de Lagarde était un bon prêtre, plein de foi, grand aumônier, et prêt à faire service à chacun. Mais le maire de la commune était un homme avare, méchant, et glorieux comme un pou. Ce maire s’était mis dans la tête de se faire asperger en particulier, à son banc, tous les dimanches, pendant la bénédiction qui se fait avant la messe de paroisse.
— « Monsieur le maire, lui dit enfin le curé de Lagarde, ce n’est pas assez de vous asperger une fois. Vous méritez le triple. Dimanche prochain, vous aurez contentement. »
Le curé de Lagarde avait secrètement commandé, à un ferblantier de Lectoure, un goupillon dont la tête contenait au moins une pinte d’eau bénite. Ce goupillon fut apporté secrètement au presbytère le samedi soir.
Le lendemain, dimanche, le curé commença son aspersion avec le goupillon ordinaire.
« Asperges me, Domine, hysopo et mundahor. »
Arrivé devant le banc du maire, ce fut autre chose.
« Lavabis me… »
Vlan ! vlan ! vlan ! En trois coups de goupillon, le pauvre maire reçut, en pleine figure, trois pintes d’eau bénite.
Depuis lors, il ne songea plus à se faire asperger en particulier.