engagés dans les occasions prochaines, d’y demeurer, quand ils ne les pourraient quitter sans bailler sujet au monde de parler, ou sans en recevoir de l’incommodité. Et il dit de même en sa Théologie morale, tr. 4, De Poenit., et q. 14, p. 94, q. 13, p. 93 : Qu’on peut et qu’on doit absoudre une femme qui a chez elle un homme avec qui elle pèche souvent, si elle ne peut le faire sortir honnêtement, ou qu’elle ait quelque cause de le retenir : Si non potest honeste ejicere, aut habeat aliquam causam retinendi ; pourvu qu’elle propose bien de ne plus pécher avec lui.
O mon Père ! lui dis-je, l’obligation de quitter les occasions est bien adoucie, si on en est dispensé aussitôt qu’on en recevrait de l’incommodité ; mais je crois au moins qu’on y est obligé, selon vos Pères, quand il n’y a point de peine ? Oui, dit le Père, quoique toutefois cela ne soit pas sans exception. Car le P. Bauny dit au même lieu : Il est permis à toutes sortes de personnes d’entrer dans des lieux de débauche pour y convertir des femmes perdues, quoiqu’il soit bien vraisemblable qu’on y péchera : comme si on a déjà éprouvé souvent qu’on s’est laissé aller au péché par la vue et les cajoleries de ces femmes. Et encore qu’il y ait des Docteurs qui n’approuvent pas cette opinion et qui croient qu’il n’est pas permis de mettre volontairement son salut en danger pour secourir son prochain, je ne laisse pas d’embrasser très volontiers cette opinion qu’ils combattent. Voilà, mon Père, une nouvelle sorte de prédicateurs. Mais sur quoi se fonde le Père Bauny pour leur donner cette mission ? C’est, me dit-il, sur un de ses principes qu’il donne au même lieu après Basile Ponce. Je vous en ai parlé autrefois, et je crois que vous vous en souvenez. C’est qu’on peut rechercher une occasion directement et par elle-même, primo et per se, pour le bien temporel ou spirituel de soi ou du prochain. Ces passages me firent tant d’horreur, que je pensai rompre là-dessus ; mais je me retins, afin de le laisser aller jusqu’au bout, et me contentai de lui dire : Quel rapport y a-t-il, mon Père, de cette doctrine à celle de l’Evangile, qui oblige à s’arracher les yeux, et à retrancher les choses les plus nécessaires quand elles nuisent au salut ? Et comment pouvez-vous concevoir qu’un homme qui demeure volontairement dans les occasions des péchés les déteste sincèrement ? N’est-il pas visible, au contraire, qu’il n’en est point touché comme il faut, et qu’il n’est pas encore arrivé à cette véritable conversion de cœur, qui fait autant aimer Dieu qu’on a aimé les créatures ?
Comment ! dit-il, ce serait là une véritable contrition. Il semble que vous ne sachiez pas que, comme dit le P. Pinthereau en la 2 p. p. 50 de l’Abbé de Boisic : tous nos Pères enseignent d’un commun accord que c’est une erreur et presque une hérésie de dire que la contrition soit nécessaire, et que l’attrition toute seule, et même conçue par LE SEUL motif des peines de l’enfer, qui exclut la volonté d’offenser, ne suffit pas avec le sacrement. Quoi, mon Père ! c’est presque un article de foi que l’attrition conçue par la seule crainte des peines suffit avec le sacrement ? Je crois que cela est particulier à vos Pères. Car les autres, qui croient que l’attrition suffit avec le sacrement, veulent au moins qu’elle soit mêlée de quelque amour de Dieu. Et de plus, il me semble que vos auteurs mêmes ne tenaient point autrefois que cette doctrine fût si certaine. Car votre Père Suarez en parle de cette sorte, de Poen. q. 90, art. 4, disp. 15, sect. 4, n. 17. Encore, dit-il, que ce soit une opinion probable que l’attrition suffit avec le Sacrement, toutefois elle n’est pas certaine, et elle peut être fausse. Non est certa, et potest esse falsa. Et si elle est fausse, l’attrition ne suffit pas pour sauver un homme. Donc celui qui meurt sciemment en cet état s’expose volontairement au péril moral de la damnation éternelle. Car cette opinion n’est ni fort ancienne, ni fort commune : Nec valde antiqua, nec multum communis. Sanchez ne trouvait pas non plus qu’elle fût si assurée, puisqu’il dit en sa Somme, l. I. c. 9,n. 34 : Que le malade et son confesseur qui se contenteraient à la mort de l’attrition avec le sacrement, pécheraient mortellement, à cause du grand péril de damnation où le pénitent s’exposerait, si l’opinion qui assure que l’attrition suffit avec le sa-