Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/132

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souvenir des traités de 1815 importunait sa poétique fidélité, et il espérait relever la Restauration en lui donnant une épée.

On a flétri la guerre d’Espagne en appelant le principe d’intervention un principe oppresseur. Accusation puérile ! Tous les peuples sont frères et toutes les révolutions cosmopolites. Lorsqu’un gouvernement croit représenter une cause juste, qu’il la fasse triompher partout où le triomphe est possible ; c’est plus que son droit, c’est son devoir. Mais pouvait-on la croire juste, cette cause de Ferdinand VII ? Ah ! il y avait alors en Espagne une tyrannie plus à craindre que celle des Descamisados, c’était celle des Serviles. Des âmes cruelles battaient sous la robe du Franciscain, et plus de tombeaux devaient s’ouvrir au chant du Veni Creator qu’aux refrains de la Tragala. Souvent, lorsque, sous les ordres du duc d’Angoulème, cent mille hommes passaient les Pyrénées, souvent M. de Chateaubriand (il l’a dit depuis) sentit l’effroi pénétrer dans son cœur. Les libéraux avaient fait retentir d’un bout de la France à l’autre d’effrayantes prédictions. Si la confiance était dans la chambre, la défiance était sur le trône, autour du trône ; et des généraux qui accompagnaient le duc d’Angoulème, la plupart étaient partis en hochant la tête, parce qu’ils se rappelaient combien de Français, sous Napoléon, étaient entrés en Espagne, qui n’en étaient pas revenus !