Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/163

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rendue essentiellement industrielle, et avait donné à son génie nouveau les ailes de la concurrence. Elle ne pouvait plus, par conséquent, contracter que des alliances continentales. Car étendre devant une production toujours croissante un marché toujours plus vaste, courir de comptoirs en comptoirs, conquérir des consommateurs, asservir la mer, glisser en un mot sur la pente qu’avait descendue le génie britannique, telles étaient les nécessités de la situation que lui avait faite le triomphe de la bourgeoisie. En renonçant à toute alliance avec l’Angleterre, elle ne faisait donc qu’obéir aux lois d’une rivalité inévitable : elle renonçait à l’impossible.

Mais pour la Russie à Constantinople, était-ce donc assez que la France sur le Rhin ? Était-il digne d’une nation telle que la nôtre, d’abandonner à un peuple nouveau venu en Europe et encore à demi-barbare, le soin des affaires du monde et le règlement des destinées universelles ? Fallait-il fermer à l’activité française la carrière que semblait lui ouvrir le vide immense fait en Orient. Était-ce trop d’une semblable issue pour cette force d’expansion qui, sous la République, avait éclaté en catastrophes immortelles, et, sous l’Empire, en prodigieuses conquêtes ? La Russie, placée sur les routes de l’Inde, ne pourrait-elle pas un jour, même comme puissance maritime, remplacer l’Angleterre, et nous causer de mortelles angoisses ? La Restauration ne voyait ni de si haut, ni si loin. Les traités de 1815 avaient laissé dans les cœurs une trace ardente : on espérait l’effacer en nous rendant le Rhin pour frontière.