Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/188

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Quelques-uns, comme MM. de Broglie et Guizot, sentant l’impuissance du dogmatisme en des jours de colère, redoutaient un mouvement au milieu duquel leur personnalité s’effacerait. Plusieurs, tels que MM. Sébastiani et Dupin, se ménageaient entre la peur et l’espérance. M. de Talleyrand attendait.

Mais de tous ces hommes, aucun n’était en état d’influer plus puissamment que M. Laffitte sur le dénouement d’une révolution, parce qu’il était à la fois riche et populaire. Peu propre à jouer un rôle révolutionnaire sur cette grande scène, la place publique, nul, mieux que lui, ne pouvait diriger une révolution de palais. La finesse de son esprit, son affabilité, sa vanité remplie de grâce, et son libéralisme exempt de fiel, lui avaient fait une sorte de royauté de salon dont il soutenait l’éclat sans fatigue, et avec complaisance pour lui-même. Sous la Restauration, il avait non pas conspiré, mais causé en faveur du duc d’Orléans. C’était assez pour lui. Car il n’avait ni cette persistance passionnée, ni cette ardeur dans la haine et l’amour, double puissance des hommes faits pour commander. Toutefois, et malgré l’indolence de ses désirs, il était capable, dans un moment donné, de beaucoup de fermeté et d’élan, comme les femmes dont il avait l’habituelle mollesse et la sensibilité nerveuse. Du reste, il prenait volontiers les conseils du poète Béranger, tête froide, volontaire et il avait besoin de cet appui, étant l’homme des situations qui durent peu.

Telles étaient les dispositions de la bourgeoisie