Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/234

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Les vices de ce plan étaient manifestes. Les troupes pouvaient bien parcourir le sanglant itinéraire qui leur était tracé sur la carte, mais elles n’étaient pas à beaucoup près assez nombreuses pour occuper tant d’espace. D’un autre côté, les engager dans ces rues Saint-Denis et Saint-Antoine que coupent une infinité de ruelles tortueuses et obscures, c’était les exposer à recevoir la mort de toutes parts sans la pouvoir donner.

Mais quel autre plan était praticable ? Comment, bloquer avec quelques milliers d’hommes cette immense ville de Paris ? Si Charles X, en signant les ordonnances, avait pu prévoir une révolution ; si on avait eu soin de faire provision de vivres pour les troupes, il aurait été possible sans doute de recommencer le 13 vendémiaire. L’armée royale, se serrant autour du palais des rois, aurait attendu l’insurrection, la baïonnette au bout du fusil et la mèche des canons allumée. Et si les insurgés s’étaient bornés à parcourir la ville, s’emparant des postes, occupant les édifices, brisant les armoiries royales, la bourgeoisie, dans ses terreurs exagérées, n’aurait pas tardé à venir demander pardon à genoux, trop heureuse d’échapper à la crainte du pillage en subissant le despotisme.

Mais les soldats manquaient de vivres, et ils auraient été les premiers désarmés par la faim. Encore une fois, pour un serviteur de Charles X, il n’y avait pas de milieu entre laisser tomber dans l’abîme la couronne de ce vieillard moribond et mettre le feu aux quatre coins de sa capitale. Car il faut bien qu’une société sache, quand elle se soumet au