Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/255

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s’écria M. Arago ? J’ai recueilli dans la foule sur mon passage des paroles sinistres : On mitraille le peuple ; c’est Marmont qui paie ses dettes. » À ces mots, Marmont porta la main à la garde de son épée.

On annonça l’arrivée de cinq députés qui venaient parlementer. M. Arago leur céda la place et fut témoin, à l’instant même, d’une scène extraordinaire. Le gouverneur des Tuileries, M. Glandevez, ayant pressé la main à un des cinq négociateurs, M. d’Ambrugeac avait osé dire qu’il s’en plaindrait au roi. Indigné, le général Tromélin pousse droit à lui, l’apostrophe d’une voix tonnante, et se félicite d’avoir enfin trouvé une occasion de faire éclater ce qu’il avait au fond de l’âme. L’explosion de cette colère fut si impétueuse que, si elle avait rencontré quelque résistance, les épées seraient sorties du bourreau. Tant il y a d’antipathies ardentes sous cette froide et trompeuse uniformité de la vie des cours !

En se retirant, M. Arago apprit à M. Delarue, aide-de-camp du duc de Raguse, qu’il avait vu sur la place de l’Odéon des soldats disposés à se joindre au peuple. Vivement frappé de cette nouvelle, M. Marne court la communiquer au prince de Polignac, et revient découragé, en disant : « Il veut que, si la troupe passe du côté du peuple, on tire aussi sur la troupe. »

Sur ces entrefaites, arrivèrent les cinq commissaires. Ils furent introduits dans l’appartement du duc de Raguse. Il était seul. M. Laffitte prenant la parole au nom de ses collègues, conjura le maréchal