Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/254

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qu’ici. » Il demande à parler au duc de Raguse. Il lui annonce que les troupes postées au marché des Innocents ont déjà beaucoup souffert ; qu’un renfort est nécessaire. — « Eh ! n’avez-vous pas du canon ? — Du canon, Monsieur le maréchal ! mais on ne dresse pas les canons en l’air ! Et que peuvent les canons contre les pavés, les meubles qui, de chaque fenêtre, tombent sur la tête des soldats ? »

On apporta en effet dans la salle voisine un lancier qui venait d’être renversé de cheval. Ce malheureux était tout taché de sang, et son uniforme entr’ouvert laissait voir, enfoncés dans sa poitrine, des caractères d’imprimerie qui avaient été employés en guise de balles.

Le duc de Raguse se promenait à grands pas ; les mouvements tumultueux de son cœur passaient rapidement sur son visage. « Des bataillons, dit-il avec impatience à l’aide-de-camp ! Je n’ai pas de bataillons à leur envoyer. Qu’ils se tirent de là comme ils pourront ! »

L’aide-de-camp sortit, et M. Arago, reprenant ses exhortations avec une chaleur croissante. — « Eh bien… murmurait le duc de Raguse… ce soir… je verrai… » — « Ce soir mais y songez-vous ? Ce soir des milliers de famille seront en deuil ! Ce soir, tout sera fini ! Et, quel que soit le sort du combat, votre position sera terrible. Vaincu, votre perte est assurée. Vainqueur, on ne vous pardonnera jamais tout ce sang. »

Le maréchal parut ébranlé. Alors, continuant avec plus de force : « Faut-il tout vous dire,