Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/290

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Raguse essaie de rallier ses soldats ; il en ramène quelques-uns dans la cour des Tuileries ; mais le désordre était immense. M. de Guise, qui avait son sabre à la main, le perdit dans cet horrible pêle-mêle, et ne le retrouva que beaucoup plus loin, suspendu à la gourmette d’un cheval de gendarme. Les coups de fusil succédaient rapidement ; les hommes du peuple arrivaient frémissants et animés par le succès. Les Suisses gagnent le pavillon de l’Horloge, le passent en tumulte, se répandent dans le jardin des Tuileries. Leur épouvante se communique aux troupes qu’on y avait postées, et qui, à leur tour, entraînent les régiments stationnés sur la place Louis XV. Parmi ces soldats en fuite, les uns, dans leur trouble, arrachaient leurs épaulettes, les autres se débarrassaient précipitamment de leur uniforme ; quelques officiers, entraînés par ce flot irrésistible, brisaient leur épée avec désespoir, en un instant, la déroute était devenue générale, et l’armée du roi battait en retraite à travers les Champs-Élysées.

Au moment où les troupes parcouraient ainsi la ligne qui s’étend du Louvre à l’arc de l’Étoile, une fenêtre s’ouvrit lentement à l’angle de la rue de Rivoli et de la rue Saint-Florentin. « Oh mon Dieu ! que faites-vous, M. Keiser, s’écria du fond d’un appartement somptueux, une voix frêle et sénile ? Vous allez faire piller l’hôtel ! — Ne craignez rien, répondit M. Keiser, les troupes battent en retraite, mais le peuple ne songe qu’à les poursuivre. — Vraiment ! reprit M. de Talleyrand », et faisant quelques pas vers la pendule : « Mettez en note,