Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/309

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humaines héroïsme et petitesse, passions mâles et vanités d’enfants, grandeur et misère, c’est-à-dire tout l’homme.

Pendant ce temps, une députation, dont les deux frères Garnier-Pagès faisaient partie, entrait dans le vestibule de l’hôtel Laffitte. Elle venait offrir le pouvoir aux généraux Lafayette et Gérard. Le second répondit d’une manière évasive ; le premier s’offrit avec une ardeur toute juvénile. Il demanda seulement à faire part de cette proposition à ses collègues, et s’avançant au milieu d’eux : « Messieurs, dit-il, on me presse de prendre le commandement de Paris. » Mais Lafayette maître de Paris, c était le peuple maître de la place publique.

M. Bertin de Vaux était présent, homme sans élévation de cœur, mais d’une rare pénétration d’esprit et d’une certaine portée dans le mal. Habile à diriger les autres par le soin qu’il mettait à s’effacer toujours lui-même, son frère avait groupé depuis long-temps autour de lui plusieurs écrivains d’élite qui s’animaient à leur insu de ses inspirations, et subissaient d’autant mieux sa supériorité, qu’il la leur laissait ignorer. Il était parvenu de la sorte à créer, dans le Journal des Débats, une puissance avec laquelle tous les gouvernements s’étaient vus contraints de traiter. M. Bertin de Vaux n’avait pas de passions politiques : l’égoïsme de ses opinions était froid et parfaitement calculé. Trop intelligent pour ne pas comprendre que le changement des formes politiques peut fort bien n’être qu’un mode nouveau de protection accordé aux mêmes intérêts, il avait servi l’un après l’autre tous les gouvernements