Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/319

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ce roi fut de laisser germer dans son esprit, qui était vulgaire, des desseins qui furent gigantesques. Il devait rester écrasé sous le poids de tout ce qu’il avait osé.

Le duc de Mortemart était arrivé là veille à Saint-Cloud. C’était un grand seigneur à demi gagné aux principes du libéralisme. Soldat, il avait puisé dans la vie des camps une rondeur de langage et une simplicité de mœurs qui l’éloignaient des habitudes aristocratiques : il avait servi avec le général Sébastiani, cet ami du duc d’Orléans ; à Waterloo, il avait presque sauvé ta vie à un enfant du peuple, le général Mouton ; ambassadeur à Saint-Pétersbourg, il s’était rendu, auprès du cabinet des Tuileries, l’organe des recommandations constitutionnelles de l’empereur Nicolas. Pour toutes ces causes Charles X l’aimait peu. Il le fit venir cependant. Dans un premier entretien qu’ils avaient eu ensemble, Charles X avait dit, à propos du danger des concessions : « Je n’ai point oublié comment les événements se sont passés il y a quarante ans. Je ne veux pas, comme mon frère, monter en charrette, je veux monter à cheval. » Mais les dispositions du vieux monarque n’étaient déjâ plus les mêmes, et il déclara au duc de Mortemart qu’il le nommait premier ministre. Celui-ci s’en défendit avec respect et vivacité. Il alléguait son éloignement naturel pour les affaires, son incapacité, l’amour du repos, une fièvre rapportée des bords du Danube. Charles X insiste, et finit par s’écrier impétueusement : « Vous refusez donc de sauver ma vie et celle de mes ministres ? — Si c’est là ce que sa