Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/325

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M. d’Argout avait pu juger, par le résultat de sa visite, du véritable état des choses ; mais en donnant suite à sa médiation, dût-elle être stérile, il ménageait son avenir dans l’un ou l’autre parti. Il alla donc retrouver le baron de Vitrolles qui l’attendait en compagnie de M. Langsdorff, et ils reprirent tous trois la route de Saint-Cloud. MM. Charles Laffitte et Savalette les accompagnaient et leur servaient de sauve-garde.

La journée du 29 avait été doublement remarquable. Le peuple y rendit le trône vacant. La bourgeoisie prit ses mesures pour en disposer. D’un côté le labeur, de l’autre la récompense. Alors comme toujours, des victimes sans nom servirent de piédestal à des ambitieux sans cœur.

Au moment où les ténèbres se répandaient sur Paris, le général Pajol montait tristement la rue de Chabrol. Il se retourne vers M. Degousée, qui l’accompagnait, et lui dit : « Vous meniez au combat des hommes déterminés : pouvez-vous compter sur leur zèle ? — Sans doute. — Assez pour leur donner l’ordre d’arrêter les députés ? — Oh ! pour cela, je n’oserais en répondre. — Dans ce cas, la révolution est avortée. »

Les alarmes, au château de Saint-Cloud, avaient cessé depuis quelques heures. Le grand salon donnant du côté de Paris présentait un étonnant spectacle. Le roi était assis avec M. de Duras, gentilhomme de la chambre, M. de Luxembourg, capitaine des gardes, et la duchesse de Berri, à une table de jeu. Le Dauphin, qui se laissait toujours absorber par les petites choses et ne pensait jamais