Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/368

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la plus profonde, il ne songea plus qu’à s’humilier sous la main de Dieu.

Le Dauphin n’avait pas cette dévotion austère et un peu maladive. Aussi ne parlait-il que de rentrer dans Paris à la tête d’une armée. Il en demanda l’autorisation formelle à son père, qui n’y voulut point consentir. Le Dauphin avait ce genre d’entêtement naturel aux esprits bornés : il se retira dans son appartement ; et, livré à un de ces accès de dépit juvénile qui le prenaient quelquefois, il jeta violemment son épée sur le parquet ; mais Charles X ne sut rien de cette scène.

L’humeur du Dauphin trouva bientôt une occasion d’éclater. Pour ranimer la confiance du soldat, il avait eu l’idée d’une proclamation. M. de Champagny la rédigea : elle était vive et passionnée. On y félicitait les troupes de leur dévouement et on les encourageait à la constance. Cette proclamation n’était pas encore publiée, lorsqu’on vint prévenir le Dauphin qu’un officier supérieur désirait l’entretenir : c’était le général Talon, le même qui, l’avant-veille, avait soutenu à l’Hôtel-de-Ville tout l’effort de l’insurrection. En abordant le prince, le général Talon prit un maintien sévère. Les traits de son visage exprimaient tout à la fois l’indignation et la douleur. Il parla d’une proclamation qu’on venait de lire aux troupes, et dans laquelle, tout en invoquant leur fidélité, on leur apprenait, comme une heureuse nouvelle, le retrait des ordonnances. 11 ajouta que, pour lui, il se sentait capable d’un dévouement à toute épreuve, qu’il l’avait déjà montré, mais qu’il ne souffrirait point qu’on le déshonorât.