Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/404

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M. Dupont (de l’Eure) refusa d’abord. Il ne se sentait aucun goût pour le pouvoir, et sa modestie lui en faisait redouter le fardeau. Ce fut M. Laffitte qui le détermina. M. Laffitte avait été depuis long-temps subjugué par le duc d’Orléans ; mais il s’était plus étroitement dévoué à lui, depuis l’important service qu’il venait de lui rendre d’abord, parce qu’il avait besoin de se grandir le plus possible dans la personne de son royal protégé ensuite parce que c’est une des ruses de notre vanité de nous attacher à ceux qui nous doivent beaucoup, en raison même du bien que nous leurs faisons. Mais, comme chez M. Laffitte une extrême finesse d’esprit servait de tempérament naturel à la sensibilité d’un cœur très-chatouilleux, il était gagné sans être tout-à-fait convaincu, et séduit sans être trompé. Il chercha donc à se précautionner contre ses propres entraînements, en appelant auprès de lui un homme dont l’amitié fut courageuse et sévère. Il ne pouvait mieux choisir que Dupont (de l’Eure), d’autant qu’aux yeux du peuple, l’adhésion d’un tel homme était en faveur de M. Laffitte une garantie, et, quoi qu’il advint, une excuse.

De là l’insistance qu’il mit à faire accepter à son ami le ministère de la justice. Il le suppliait, lui prenait les mains qu’il serrait dans les siennes, et invoquait à l’appui de sa prière, tout ce qui entraîne un homme généreux. M. Dupont (de l’Eure) céda enfin, et consentit à être présenté au lieutenant-général. L’accueil que lui fit le prince fut plein de bonhomie et de cordialité. Le nouveau ministre commença par exprimer la répugnance que lui ins-