Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/408

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À Saint-Cloud, le prince donna l’ordre du départ. Tant d’humiliation avait altéré ses traits et augmenté le désordre de ses idées. En passant devant le front du 6e de la garde, il s’arrêta devant le colonel et lui dit : « Eh bien, le 3e a passé : pouvez-vous compter sur vos hommes ? » Le colonel répondit avec dignité que chacun ferait son devoir. Le prince fit quelques pas sans prononcer une parole mais apercevant un soldat dont le col était attaché négligemment. « Vous êtes bien mal colleté, lui cria-t-il.  » Un mouvement involontaire d’indignation se fit dans les rangs : les soldats pouvaient juger de ce que valent, contemplés de près, tous ces dominateurs de nations !

Le signal de la retraite ayant été donné, l’artillerie et le 1er de la garde prirent la route de Villeneuve-l’Etang, pendant que les voltigeurs du 6e essayaient d’arrêter à coups de fusil les éclaireurs qui montaient en courant la grande avenue du château. Cette fuite précipitée, cette fuite sans combat, blessait profondément les troupes restées fidèles. Dans leur dépit, dont le respect adoucissait à peine l’expression, plusieurs grenadiers retournèrent leurs bonnets à poils, comme pour faire face, autant qu’il était en eux, aux insurgés qui les poursuivaient. Les officiers marchaient la tête basse, et quelques-uns versaient des larmes.

À leur arrivée à Versailles, les régiments furent entassés pêle-mêle, partie sur la place d’armes, partie dans une plaine en avant de la grille du Dragon. Aucune mesure de prévoyance n’avait été prise, et les officiers eurent beaucoup de peine à