Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/419

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la duchesse d’Orléans et lui dit : « Madame, ceci n’est pas seulement une visite d’humanité, c’est une visite politique » ; et il montrait du doigt un lit surmonté d’un drapeau tricolore. Dans ce lit était un jeune homme à qui un boulet avait emporté une jambe. Le feu de la fièvre et celui de l’enthousiasme brillaient dans ses yeux. Madame Adélaïde courut à lui, et, comme elle se répandait en paroles pour le consoler, il dit en levant ses regards vers le drapeau placé sur sa tête : « Voilà ma récompense. — D’où êtes-vous, continua Madame Adélaïde. — De Randan. — Ah ! tant mieux. Nous avons là un château : vous y passerez votre convalescence, n’est-ce pas ? » Et se tournant vers M. Degousée, la princesse lui demanda à voix basse : « Eh bien, êtes-vous content ? » Le soir, M. Degousée dîna au Palais-Royal. Au moment où il se retirait, M. de Berthois lui dit : « Vous ne ferez pas votre chemin ici. Vous dites des vérités utiles, mais vous les dites trop crûment. »

On sait ce qui avait déterminé Charles X à abdiquer avec tant d’insouciance. Le Dauphin s’était soumis sans murmure aux volontés de son père ; mais il en gémissait à l’écart, et les suites d’une abdication se peignaient à son esprit sous les plus noires couleurs. Toutefois, il aurait cru calomnier la descendance de Louis XIV, en prêtant à un prince de son sang l’intention d’usurper la couronne. Ces sentiments étaient ceux de la Dauphine : dans un entretien qu’elle eut, dans la journée du 2 août, avec un des plus fidèles serviteurs de son mari, elle ne parut préoccupée que d’une crainte : elle se de-