Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/75

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Aussi n’eût-on garde d’alarmer sous ce rapport les intérêts. Louis XVIII, qui commit tant de fautes, ne commit pas du moins celle-là. Dans sa déclaration de Saint-Ouen, il affirmait que jamais les acquéreurs de biens nationaux ne seraient inquiétés. Que dis-je ? la chambre de 1815, tout ivre qu’elle était d’aristocratie, poussa-t-elle jamais jusque-là l’audace de ses passions contre-révolutionnaires ? Qu’on se rappelle la loi sur les cris séditieux : cette loi, dans l’article 5, portait peine contre toute parole de nature à effrayer les possesseurs de biens nationaux. « Pourquoi cette mesure, s’écriait à cette occasion le vicomte de Chateaubriand, en pleine pairie ? Pour imposer un silence que rompraient, au défaut des hommes, les pierres mêmes qui servent de bornes aux héritages dont on veut rassurer les possesseurs. » Paroles téméraires, mais dont M. de Chateaubriand, malgré toute son éloquence, ne put faire prévaloir la témérité, même dans un moment où la contre-révolution se montrait hardie jusqu’à l’insolence ! Si donc l’intérêt des acquéreurs de biens nationaux fut si souvent invoqué par la polémique libérale, c’est qu’il fournissait une arme de combat à cette polémique peu sincère. Et si l’on m’objecte le milliard des émigrés, je répondrai que la bourgeoisie n’avait pas attendu cette déclaration de guerre pour se montrer implacable ; je répondrai encore que cet acte contre-révolutionnaire ne fut résolu qu’après l’élection de