Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/101

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D’autres pensées agitaient la cour. Le roi ayant eu, à cette époque, un entretien particulier avec deux Belges qui se trouvaient en France, il ne leur dissimula point ses sympathies ; il parla de Guillaume comme d’un prince sage, libéral, et parut affligé de l’ébranlement imprimé au trône d’un monarque qui avait mis à le reconnaîre tant de grâce et d’empressement. Devant ses ministres, devant MM. Dupont (de l’Eure) et Laffitte surtout, Louis-Philippe ne pouvait guère montrer les mêmes dispositions. Mais, avec son parti pris de ne déplaire en rien à l’Europe monarchique, comment aurait-il vu éclater sans effroi un mouvement qui le poussait à prendre une décision anti-européenne ou une décision anti-française ? Car ne pas tendre les bras à la Belgique, prête à se détacher de la Hollande, c’était donner aux espérances que la révolution de juillet avait éveillées dans le peuple français un démenti bien brusque, un démenti dangereux peut-être. Et, d’un autre côté, accepter les avances de la fortune, c’était irriter à jamais l’Angleterre qui, depuis Edouard III, n’avait cessé d’agir contre l’établissement de l’influence française en Belgique.

Ce n’est pas que la réunion des deux pays, même au plus fort de l’enthousiasme excité par la révolution de juillet, se fut opérée sans obstacle. Le clergé belge, qui exerçait sur le peuple un empire absolu, détestait dans la nation française une société devenue sceptique et livrée à toutes les hardiesses de l’esprit d’examen ; les nobles n’éprouvaient que répugnance pour un pays tout couvert des ruines de l’aristocratie ; et quant aux industriels, ils étaient en gé-