Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/126

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de lui aucun empire. Il avait beaucoup d’esprit, et manquait de tact. Supérieur à presque tous ses collègues par l’intelligence, il le leur laissait trop apercevoir. La médiocrité, dans aucun cas, ne pardonne au talent, mais elle le respecte lorsqu’il s’efface, et, alors, elle se résigne à le subir. M. Mauguin perdait le fruit des facultés les plus éminentes par un légitime mais indiscret contentement de lui-même. Il éloignait la confiance, avec tout ce qui ordinairement la captive. La mobilité de ses impressions passait pour du scepticisme. La bienveillance naturelle de son regard était altérée par une finesse qui en détruisait l’effet. La grâce de ses manières se faisait aisément remarquer, mais n’attirait pas ; et il y avait jusque dans l’aménité de son langage je ne sais quoi de protecteur dont on se sentait blessé. S’il était donné à un homme de commander aux événements, c’eût été presqu’un malheur public que cette impuissance de M. Mauguin à jouer le premier rôle. Car, mieux que personne, il comprenait tout ce que peuvent, au sortir d’une crise, les témérités intelligentes, quand l’amour du peuple les conseille. Il savait que la vraie liberté ne se peut fonder qu’au moyen du pouvoir exercé avec confiance, avec intrépidité, avec audace et que les grands périls rendent les grandes choses possibles en les rendant nécessaires. Mais il lui manquait, pour dominer, certaines vertus, et plus que cela, certains défauts. Avec assez de talent pour se faire beaucoup d’envieux, il n’avait pas assez de caractère pour se créer des ennemis. Or, dans la mêlée des partis, l’importance d’un homme politique dépend de la violence des animo-