Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/142

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sourdement ; il s’était répandu pour ainsi dire dans l’air cette agitation fébrile d’où sortent les révolutions nul n’osait prévoir à quel prix les événements allaient mettre le salut des captifs de Vincennes. Quand le pouvoir ne consiste plus que dans l’honneur de tomber de haut, les candidats sont rares. Les portefeuilles étaient refusés presqu’avant d’avoir été offerts. Il y eût un moment où Louis-Philippe put craindre que la solitude ne se fit autour de son trône.

De fait, ce trône paraissait alors suspendu sur un précipice. À la joie renaissante des vaincus, on pouvait juger de la profondeur des calamités publiques. Leurs journaux avaient fait le compte des banqueroutes récentes avec une exactitude impitoyable. Ils avaient demandé ironiquement pourquoi la plus forte maison de Bordeaux suspendait ses paiements ; pourquoi M. Vassal était réduit à une semblable extrémité, lui qui avait battu des mains à la révolution pourquoi le crédit de M. Laffitte lui-même commençait à chanceler.

Venaient ensuite les républicains, dont les accusations avaient bien plus de portée encore. Le premier besoin du peuple était de vivre. Eh bien, au-dessus de ce peuple qui manquait de pain, que voyait-on ? Des ministres occupés à distribuer des places. Il était temps de mettre un terme au scandale de cette indifférence. Et ils rappelaient que dans le département du Tarn, que dans celui de Seine-et-Oise, des émeutes venaient d’éclater ; qu’au dernier marché de Corbeil, les âmes avaient été agitées par la crainte de la disette ; que dans près de cinquante départements, la perception des impôts