Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/272

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l’incendie viennent éclairer cette scène de désastre, cette Bérésina de la Pologne. Les femmes et les enfants de Varsovie poussent des cris de désespoir ; mais du fond de la vieille ville accourent des ouvriers armés de haches ; en un instant ils renversent les obstacles, enlèvent les décombres, et les barrières sont libres. Alors l’infanterie se remet en ligne et arrête les cavaliers russes par un feu nourri. Les cuirassiers d’Albert franchissant les intervalles des carrés, ont poussé imprudemment jusqu’à la seconde-ligne des Polonais. Engagés dans la boue, leurs pesants escadrons sont bientôt cernés de toutes parts. Sillonnée par les fusées à la congrève, chargée avec furie par les lanciers blancs, toute cette fière cavalerie du prince Albert est anéantie, et l’on entend les hourras des faucheurs qui viennent abattre tout ce qui a échappé aux lances et aux baïonnettes. Ainsi la France est vengée, et c’est de la main des Polonais que périt écrasée l’ancienne avant-garde de l’invasion. Terrible journée où périrent cinq mille Polonais et qui coûta aux Russes l’élite de leurs officiers et plus de dix mille hommes mis hors de combat.

La nuit est close, la canonnade a cessé. Skrzynecki et Szembec veulent poursuivre la victoire un instant ressaisie. Ils proposent au généralissime de tomber sur les Russes à la faveur des ténèbres. Radziwill craint que l’unique pont de Praga ne soit emporté par les glaces : il ordonne la retraite, et passe sur la rive gauche de la Vistule, tandis que Diébitch fait rentrer son armée dans la forêt.