Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/283

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portée par Napoléon à ses plus extrêmes limites, avait fait pendant un quart de siècle la force et la gloire de la France. A l’unité les Montagnards avaient dû d’épouvanter et de vaincre l’Europe. De l’unité venaient tous les prodiges, de la grande aventure impériale. Et pourtant, le jour où il avait cessé d’être nécessaire que la France fut un soldat, l’excès de la centralisation était devenu pour la nation une cause d’énervement. A l’époque dont nous écrivons l’histoire, la plupart des communes de France végétaient dans un état, à peine croyable, d’ignorance, d’égoïsme, de misère et de langueur. Plus d’esprit de corps, plus de passions collectives, plus de traditions. Le sang s’était retiré de toutes les parties du corps social, pour remuer vers le cœur, où il bouillonnait. Et qu’en était-il résulté ? Une ardeur merveilleuse aboutissant à l’impuissance et au scepticisme la concentration de toutes les forces devenue celle de toutes les ambitions ; le désir de briller poussé jusqu’à l’effronterie ; pour un peu de rayonnement une absorption immense, et les intelligences les plus originales perverties par la manie de l’imitation, l’amour du gain, le despotisme de la mode ou l’impatience du succès ; la concurrence et ses fraudes, le charlatanisme et ses opprobres, des excitations sans nombre, mais pour le mal plus que pour le bien ; des ressources incalculables, mais plus propres à entretenir des illusions folles qu’à satisfaire de légitimes espérances ; la civilisation, enfin, épuisant ses mensonges et ses miracles pour rendre l’homme coupable et malheureux, telle était, sous l’influence d’une centralisation mal comprise, la vie