Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/394

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Il y eût bien des larmes versées sur le tombeau de cette Polonaise si belle et si tendre. La noblesse de ses amours et leur bienfaisante influence n’était un secret pour personne. Quant à Constantin, la malédiction publique, qui n’avait cessé de peser sur sa vie, n’épargna point sa mémoire. Malédiction si terrible qu’elle étouffa jusqu’à cet intérêt qu’inspirent les hautes victimes ! Car, comme celle de Diébitch, la mort du grand-duc fut attribuée à quelque noir forfait. Et, ce forfait, il faut le dire, un étrange concours de circonstances le rendait vraisemblable, aux yeux de la masse qui croit volontiers à l’excès du mal.

Nicolas, cependant, et le comte Orloff, son favori, étaient des hommes que ceux qui les connaissaient bien jugeaient incapables d’une perfidie. On avait peine, d’ailleurs, à concilier l’affreuse idée d’un fratricide avec les souvenirs qui se rattachaient au couronnement de l’empereur, souvenirs auxquels on nous pardonnera de remonter ici, parce qu’ils peuvent servir à l’éclaircissement d’un problème qui, en 1831, à occupé toute l’Europe[1].

Quoique Constantin eût renoncé à la couronne des czars du vivant même d’Alexandre, Nicolas n’avait point osé, quand il apprit que l’aîné de la famille venait d’expirer, monter sur un trône dont la route ne lui était ouverte que par une renonciation douteuse. Constantin, à cette époque, était en Pologne. Nicolas lui envoya un aide-de-camp, nommé

  1. Les détails que nous allons donner sur le couronnement de l’empereur Nicolas, nous ont été fournis par un témoin oculaire attaché au corps diplomatique.