Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/103

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On fondait des caisses d’épargne pour solliciter l’ouvrier à l’économie ; mais, dans un milieu où la première de toutes les maximes était celle-ci : « chacun pour soi, chacun chez soi », l’institution des caisses d’épargne n’était bonne qu’à rendre le pauvre égoïste, qu’à briser dans le peuple ce lien sacré que noue entre les êtres qui souffrent la communauté des souffrances. Il y avait, d’ailleurs, quelque chose de dérisoire à recommander au travailleur des économies que lui interdisait fatalement sa misère. Au 31 décembre 1830, sur 163, 196 livrets, 74, 835 appartenaient à des déposants non ouvriers, et, pour la plupart, domestiques.

On promettait à la banque de France le renouvellement de son privilège ; mais cette banque, qui prélevait sur la production des bénéfices exorbitants, n’acceptait pas le papier du pauvre ; elle forçait le petit commerçant à traverser, pour arriver jusqu’à elle, les hideux réduits de l’usure ; elle ne justifiait enfin que par l’appui qu’elle prêtait aux plus forts contre les plus faibles, l’avare jouissance du plus précieux des monopoles.

De ce triste état de choses devaient naturellement sortir des tentatives d’innovation. C’est ce qui arriva.

Nous exposerons plus tard, et au moment où elle fut manifestée avec éclat, la théorie qu’élaborait déjà depuis long-temps, dans l’ombre et la solitude, Charles Fourier, homme de génie qui devait mourir pauvre et ignoré. Mais à l’époque où nous sommes arrivé, les idées de ce penseur persévérant n’étaient connues que d’un fort petit nombre d’adeptes ; et