Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/144

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Après la lecture de ce plan, M. Barrault traça un tableau rapide des souffrances de la société et des services que lui avait déjà rendus le saint-simonisme ; il trouva, pour rappeler l’insurrection des malheureux tisseurs lyonnais, des accents pleins de douleur, pleins d’éloquence ; et de cet affreux épisode de la grande guerre civile appelée liberté de l’industrie, il tira la double conclusion qu’une réforme était nécessaire et que c’était par les voies du saint-simonisme qu’il y fallait marcher.

M. Barrault avait fini son discours, et Enfantin s’était déjà levé pour sortir de l’enceinte, lorsque M. Reynaud fit signe qu’il désirait parler. Son geste était véhément et son visage extrêmement animé. « L’argent, s’écria-t-il, ne peut avoir de puissance morale, puisque vous, Père Enfantin, d’après les termes posés par vous vous détruisez la morale ancienne sans avoir la morale nouvelle. » La plus vive agitation règne alors dans l’assemblée. Interpellant M. Reynaud, M. Laurent lui demande si, lorsqu’il était allé prêcher une ère nouvelle à la population souffrante de Lyon, il n’y avait pas pour lui de morale saint-simonienne. M. Talabot ajoute que la morale de l’apostolat est dans l’émancipation des êtres exploités. M. Henri Baud demande la parole et s’écrie avec enthousiasme : « Mon père est un prolétaire qui a triomphé du hasard de la naissance et qui a amassé des richesses par la force de ses bras. Quand la parole de Saint-Simon se fit entendre à moi, je sentis que pour ennoblir mon privilège je devrais l’employer à l’abolition de tous les privilèges : je suis