Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/145

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devenu prolétaire. C’est ainsi que la famille du sang me punit d’avoir voulu pratiquer ma foi religieuse. Eh bien ! toutes les rigueurs de la famille du sang ne triompheront pas de mon amour pour elle, et je la forcerai par mes œuvres à me rendre sa tendresse. Reynaud, j’ai souvent entendu sortir de ta bouche ces mots puissants : « La voix du peuple est la voix de Dieu. » Que demandent donc ces hommes qui peuplent la plus industrieuse de nos cités ? Quel cri se fait entendre sous cet étendard de mort, au milieu de la mitraille ? Reynaud, Reynaud, ils demandent du pain, et l’argent qui le donne est une puissance morale… Prolétaires qui m’écoutez, ma main a souvent touché vos mains endurcies par le travail, et elle a senti que vous répondiez à ses étreintes. Rassurez-vous donc ! Dieu n’a pas permis qu’un homme pût se placer en présence des hommes avec cette face calme et sereine, avec cette grandeur et cette beauté, pour qu’il s’en servit afin de les séduire et de les perdre… Et vous, femmes, celle qui m’a porté dans ses entrailles n’est pas là pour m’entendre ; faites place pour moi dans votre cœur à un amour de mère, afin que si vous voyez celle dont Dieu m’a fait naître, vous apaisiez les tourments de cette stérilité qu’elle s’est faite. Dites-lui, pour la toucher, les douleurs que doit souffrir un fils comme moi privé de ses embrassements, de sa parole, de sa vue. » À ces mots l’assemblée se lève avec transport. Plusieurs membres de la famille courent à Enfantin et se jettent dans ses bras. C’était la dernière scène engendrée par le schisme.