Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/15

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gante et passionnée, M. Berryer s’était sans doute laissé prendre à d’invincibles amorces. Il avait couru après l’éclat d’une opinion qui était celle des salons somptueux. Cette opinion avait fourni de brillantes inspirations à son éloquence, elle lui avait valu le succès, elle lui avait promis le plaisir, et il s’était insensiblement engagé d’une manière irrévocable, charmé de pouvoir ainsi mêler à l’entraînement des affaires le goût des dissipations. Car c’était un de ces hommes qui ont hâte de se dépenser. Voilà, du moins, de quelle sorte M. Berryer était jugé par ses adversaires. Et comment expliquer autrement qu’un enfant du peuple, clairvoyant et hardi, aux mâles allures, aux instincts démocratiques, se fut enchaîné au service d’une monarchie dont il déplorait en vain les fautes, et d’une noblesse dont il lui était impossible de partager les préjugés opiniâtres ? Aussi M. Berryer s’était-il créé dans son parti une situation à part, faisant ouvertement profession de tolérance, accueillant avec une prévenance délicate les républicains, dont quelques-uns se félicitaient de l’avoir pour ami, se rendant accessible, agréable ou utile à tous, et ne craignant pas, lorsqu’il paraissait à la tribune, de rendre hommage à tout ce qui avait eu de la grandeur, soit que son éloquence fut tentée par le souvenir des luttes de la nationalité, soit que l’image de la république sauvant la France vint tout-à-coup arracher à son enthousiasme un de ces cris puissants qui font frissonner les assemblées. Et il n’était jamais plus beau que lorsque, secouant les chaînes de son parti et parlant en tri-