Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/236

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de voir diminuer une foule au milieu de laquelle ils se sentaient étouffés, et ils s’élançaient en espérance vers ces emplois dont les avenues jusqu’alors avaient été encombrées. Les autres, avec cette cupidité dont le venin se mêle aux affections de famille sous l’empire de la loi des héritages, les autres étendaient déjà la main sur une fortune depuis long-temps convoitée. Les symptômes de l’empoisonnement ayant avec ceux du choléra une ressemblance funeste, on assure que plus d’un crime fut commis, dont l’horreur ne pouvait que se perdre dans l’immensité d’un tel désastre.

On doit cette justice au roi et à sa famille, qu’ils n’allèrent pas chercher au loin un refuge contre le danger. Mais la plupart des gens riches fuyaient, les députés fuyaient, les pairs de France fuyaient. Les messageries royales emportaient de Paris, à elles seules, plus de sept cents personnes par jour. Quand les diligences regorgeaient de pâles voyageurs, on partait dans des voitures de place, on partit ensuite dans des charrettes. Et en vain criait-on à tant de hauts fonctionnaires, que leur place était là où il y avait un si grand nombre de malheureux à rassurer et à secourir !

Aussi le peuple tomba-t-il, en se voyant abandonné, dans le plus violent désespoir. Des proclamations furieuses circulèrent. Les douleurs, mal contenues jusques là, s’exhalèrent en discours tout remplis de révolte. Ainsi donc, les riches fuyaient, emportant avec eux le travail, le pain, la vie de l’ouvrier ! Entre le choléra et la faim qu’allait devenir le peuple ? Quoi ! pendant que les moribonds