Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/235

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nouvelle du choléra, il revint à Paris en toute hâte, malgré son grand âge, pour aller reprendre sa place dans son presbytère et porter les secours de la religion aux agonisants. Les élèves de l’école de médecine offraient de toutes parts leurs services. Plusieurs femmes du peuple se présentèrent pour remplir gratuitement l’office d’infirmières. On apportait aux mairies du linge, des chaussons, des couvertures, des ceintures de flanelle. Peut-être le dévouement avait-il sa source, chez plusieurs, dans une frayeur superstitieuse, dans un secret espoir de conjurer la destinée. Peut-être aussi, de semblables crises, quand elles ne tournent pas à l’endurcissement des cœurs, ont-elles pour effet de commander la fraternité aux hommes, en leur rappelant leur égalité devant la mort.

Le fléau enfanta, d’ailleurs, en même temps que des actes louables, des actions viles et odieuses. La passion du gain sema sans pudeur dans ce vaste champ de désolation. Les préparations chlorurées montèrent à un prix excessif. Comptant sur l’ordinaire crédulité de la peur, des spéculateurs cyniques commencèrent à prôner et à répandre des remèdes insignifiants ou nuisibles, et ce genre de vol fut poussé si loin, que le gouvernement dut se réserver la surveillance provisoire des annonces. Comme les actions honorables cherchent volontiers le grand jour, celles-là seules furent rendues publiques, mais l’intérieur des familles montrait assez tout ce que, dans une société telle que la nôtre, le passage d’une épidémie peut remuer d’impuretés et de limon. Car, les uns se félicitaient à voix basse