Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/239

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voir ce que la civilisation moderne recèle en ses abîmes. De l’ombre de ces quartiers où la misère se laisse oublier, sortirent soudain, pour inonder la capitale, des masses d’hommes aux bras nus, au visage sombre, au regard plein de haine. Que cherchaient-ils ? Que demandaient-ils ? Nul ne le disait. Seulement, ils exploraient la ville d’un œil défiant, et s’agitaient avec des murmures farouches. Les meurtres ne tardèrent pas. Passait-on muni d’une fiole ou d’un paquet ? On était suspect. Un jeune homme fut massacré rue du Ponceau, pour s’être penché à la porte d’un marchand de vin, dans le but de savoir l’heure ; un autre eut le même sort, près du passage du Caire, pour un motif à peu-près semblable ; un troisième fut mis en lambeaux, dans le faubourg Saint-Germain, pour avoir regardé dans un puits ; un juif périt, parce que, marchandant du poisson à la halle, il s’était mis à rire d’une manière étrange, et qu’on avait trouvé sur lui, en le fouillant, un petit sachet de poudre blanche, laquelle n’était autre chose que du camphre ; sur la place de Grève, un malheureux fut arraché du poste de l’Hôtel-de-Ville, où il avait cherché asile, on l’égorgea, et ses restes sanglants, un charbonnier les fit déchirer par son chien. Scènes affreuses qui sont le crime de la société, partout où règne un injuste partage des jouissances et des lumières !

Et mille circonstances déplorables se réunissaient pour entretenir le peuple dans l’erreur. On aperçut dans plusieurs rues de longues traînées de vin et de vinaigre ; des dragées colorées furent