Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/248

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vue du résultat, tandis que son ministre n’était pas indifférent à la pompe des moyens, et attribuait beaucoup d’importance aux formes. Casimir Périer n’aurait pas souffert, par exemple, qu’on blessât en paroles l’honneur de la France, cet honneur qu’il n’avait, pourtant, jugé compromis, ni par nos défaites diplomatiques à Londres, ni par l’atteinte portée dans Varsovie, à nos sympathies les plus chères.

Une scène qui précéda de peu de jours la mort de Casimir Périer, donnera une idée de sa susceptibilité, dans laquelle, à l’inconséquence et à l’emportement, se mêlait une certaine grandeur. C’était dans une des crises de sa maladie. Un de ses amis, M. Milleret, ancien député sous la Restauration, était allé lui rendre visite. Il trouva le président du conseil en conférence avec l’ambassadeur de Russie, et fut retenu dans le salon d’attente. Bientôt de grands éclats de voix retentissent, la porte s’ouvre, et M. Pozzo-di-Borgo sort de l’appartement, avec tous les signes de la plus vive émotion. Le ministre était plus agité encore, sa bouche écumait, et M. Milleret apprit de lui, à l’instant, que l’ambassadeur de Russie ayant osé se servir de cette expression hautaine : « L’empereur, mon maître, ne veut pas… », il lui avait répondu : « Dites à votre maître que la France n’a pas d’ordres à recevoir, et que, Casimir Périer vivant, elle ne prendra conseil, pour agir, que d’elle-même et de son honneur. » En prononçant ces mots, Casimir Périer avait le visage extrêmement animé. Il retomba épuisé sur son fauteuil ; et comme M. Milleret essayait