Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/250

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ennemis à détruire ; car c’était un ministre à grandes haines et à petites vues, vigoureux d’âme et malade. Homme d’affaires et banquier, il voulut la paix ; mais les Puissances la voulaient aussi, et avec d’autant plus de fougue, qu’elles voyaient le génie des révolutions tout prêt à suivre l’itinéraire des armées. Voilà ce que Casimir Périer ne comprit pas : sa peur l’empêcha de profiter de la peur d’autrui, et il contraignit la France à subir les conditions du repos européen, alors qu’il lui eût été loisible de les dicter, comme le prouva bien l’aventure impunie d’Ancône, aventure dans laquelle il s’engagea avec une énergie de volonté que ne purent vaincre ni l’opinion de MM. Sébastiani et de Rigny, ni celle du roi lui-même. Malheureusement l’expédition d’Ancône était une violation brusque et insuffisamment motivée de tous les principes de la politique jusqu’alors suivie. Or cette politique avait eu pour résultats l’occupation de Varsovie par les Russes, la première entrée des Autrichiens à Bologne, l’anéantissement de notre influence en Belgique, l’abaissement continu de la France, l’atonie du monde. Alors grondèrent, au dedans, les forces vives que la révolution de 1830 avait éveillées et qui étaient impatientes d’une issue. On aurait pu leur donner satisfaction en prenant l’initiative des vastes réformes que réclamait un état social livré à tous les désordres de la concurrence ; mais Casimir Périer était puissant, il était riche, et la nécessité d’un changement lui échappait. D’ailleurs, eût-il possédé le désintéressement d’un réformateur, il n’en avait ni la science, ni l’audace, ni le génie : il