Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/298

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nombre de ses orateurs… que fallait-il de plus ? Tribun et soldat, il possédait ce mélange de qualités qu’adore la partie vive du peuple français, la partie turbulente et guerrière. Il y avait, d’ailleurs, quelque chose d’héroïque dans ce qu’on racontait de son agonie. Sentant la vie se retirer de lui, on l’avait vu recueillir en quelque sorte toutes ses forces dans une préoccupation amère des maux et des humiliations de son pays. A l’un il disait : « Je meurs avec le regret de n’avoir pas vengé la France des infâmes traités de 1815. » A un autre : « Ce duc de Wellington ! je suis sûr que je l’aurais battu ! » Il se fit apporter l’épée que les officiers des Cent-Jours lui avaient donnée, et l’embrassa avec exaltation, ne voulant plus s’en séparer. Puis, comme il parlait de sa fin prochaine, et qu’on cherchait à détourner de lui cette pensée funeste : « Qu’importe, s’écria-t-il, que je meure, pourvu que la patrie vive ? » Et le mot patrie fut le dernier qui s’échappa de ces lèvres éloquentes, glacées pour jamais.

Le 5 juin, date mémorable, était le jour fixé pour les funérailles. Celles de Casimir Périer ayant fourni au gouvernement l’occasion d’un dénombrement injurieux, les partis, à leur tour, brûlaient de se compter.

Ceux des légitimistes qui étaient en conspiration permanente préparaient tout depuis long-temps pour une insurrection ; mais, comme ils rencontraient dans leur propre parti une résistance inflexible et hautaine, ils avaient fini par renoncer au périlleux honneur de l’initiative, et ils se bornaient à exciter par de secrets émissaires l’ardeur des sec-